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La 'question de Mayotte' à l’ONU retirée
Le 28/09/2008
Le contentieux franco-comorien sur la question de Mayotte était jusqu’à jeudi 25 septembre inscrit à l'ordre du jour de la 63ème Assemblée générale de l'ONU qui s’est ouverte mardi 23 septembre à New York (Etats-Unis). Selon le programme officiel mis en ligne sur le site de l’ONU, la 'question de l'île comorienne de Mayotte' a été retirée au dernier moment.
Nichée entre "la situation dans les territoires occupés de l'Azerbaïdjan" et la "nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les Etats-Unis", la "question de l'île comorienne de Mayotte" se trouvait en 19ème position (sur 155) dans le chapitre "Maintien de la paix et de la sécurité internationales", où figurent également des questions concernant la Palestine, l'Afghanistan, le Moyen-Orient et Chypre. Encore inscrite jeudi après-midi, elle ne l'était plus jeudi soir, à 21 heures (heure de l'archipel).
Comme l'année dernière donc, cette question ne sera selon toute vraisemblance pas évoquée devant l'assemblée planétaire. En 2007, la diplomatie comorienne l'avait déjà retirée au dernier moment, en échange d'une rencontre à l'Elysée entre Nicolas Sarkozy et Ahmed Abdallah Sambi - c'est au cours de cette rencontre officielle que les deux présidents avaient avancé l'idée d'un groupe de haut niveau, formalisé en juin dernier. Aucune explication quant à ce choix n'a été rendue publique par les autorités comoriennes jeudi.
Ce probable retrait était prévisible. Selon des membres de la délégation française présents à Mayotte la semaine dernière dans le cadre du GTHN (Groupe de travail de haut niveau franco-comorien), il était prévu que la "question de Mayotte" soit enlevée. "C'est dans la logique des discussions menées de manière bilatérale dans le cadre du GTHN", affirmait alors un diplomate français, selon lequel "il serait logique que cette question ne soit plus à l'ordre du jour d'ici trois ou quatre ans". De son côté, l'ambassadeur des Comores à Paris, M. Soulaimana, avait fait l'impasse sur la question, même si en aparté il avait réaffirmé la volonté de Moroni de continuer à revendiquer Mayotte.
Avant même son officialisation, ce retrait annoncé ne convainquait personne, tant à Mayotte qu'à Moroni. Les élus mahorais fustigent "le double langage" des autorités comoriennes. "D'un côté, ils viennent discuter chez nous coopération et disent : 'On veut de l'aide, on ne parle pas de cette question de l'appartenance de Mayotte à la France' ; de l'autre, ils remettent le couvert à l'ONU", regrette un proche collaborateur du président du Conseil général, Ahmed Attoumani Douchina.
A Moroni, l'éventualité d'un retrait avait provoqué l'ire des partisans d'un retour de Mayotte dans l'ensemble comorien début septembre. "Bien évidemment la France répondra que les discussions se poursuivent et que l'AG n'a pas à ouvrir un débat à ce sujet", s'inquiétaient alors une dizaine d'associations pour lesquelles les discussions bilatérales au sein du GTHN "ne sont qu'une diversion" de la part de Paris. Selon elles, une condamnation de la France sur la question de Mayotte aurait porté "un rude coup" au président Sarkozy, "au moment [où il se fait] le chantre du respect de la Charte et des résolutions des Nations Unies" et du "respect de l'intégrité de la Géorgie dans ses frontières internationalement reconnues".
A l'occasion d'une manifestation d'opposition à la départementalisation de Mayotte, organisée mercredi 24 septembre à Moroni, un des organisateurs a stigmatisé la position "paradoxale" de Paris. "Vous condamnez vivement et à raison la Russie et nous vous comprenons et vous soutenons. Alors, convenez avec nous que vérité aux frontières en Géorgie n'est pas erreur au-delà, donc n'est pas erreur aux Comores", a-t-il lancé à l'adresse de l'ambassadeur français.
RC Malango
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Marche à Moroni contre le référendum français sur Mayotte
Le 28/09/2008
A l’appel de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile des Comores, une marche pacifique s’est tenue ce mercredi 24 septembre à Moroni pour dénoncer l’organisation, en avril 2009 à Mayotte, d’un référendum dont l’objectif est de faire de cette île comorienne un département français.
L’ancien ministre, Mohamed Ali Mbalia, chef de file du Parti socialiste des Comores (Pasoco) n’a pas mâché ses mots en appelant l’ambassadeur de France à Moroni « à faire ses valises ».
« En même temps, nous demandons à l’ambassadeur des Comores à Paris de rentrer. Les deux pays doivent s’accorder un délai de réflexion de 20 ans avant de se retrouver », a ajouté Mbalia. Pas question, pour lui, que la France organise une consultation sur un territoire comorien.
«L’histoire de l’Algérie doit vous servir de leçon », a-t-il lancé, s’adressant aux autorités françaises.
Quant à M. Kamardine Mohamed, il a trouvé « assez paradoxal » que la France, sous d’autres cieux, défend l’intangibilité des frontières alors qu’elle fait le juste contraire aux Comores.
«Vous condamnez vivement et à raison la Russie et nous vous comprenons et vous soutenons. Alors, convenez avec nous que vérité aux frontières en Géorgie n’est pas erreur au-delà donc n’est pas erreur aux Comores », a-t-il lancé.
A maintes reprises, il a fait valoir le droit international pour montrer la justesse de la cause comorienne.
« Notre amie la France s’arroge le droit de la force (…) pour organiser en avril 2009 un soi-disant référendum pour ancrage définitif d’une partie de notre sol et ses habitants dans le giron français en faisant d’elle un département français, à 10 000 kilomètres de Paris et à 40 km de Domoni (Anjouan) », a poursuivi Kamardine.
A l’issue du meeting, qui s’est tenu à la Place de l’Indépendance à Moroni, une résolution a été lue, dénonçant les manœuvres de Paris pour morceler les Comores et ancrer définitivement Mayotte dans la République française.
Inoussa Mohamed /aft/APA
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Pourquoi M. MADEIRA doit partir
Le 25/09/2008
Francisco Caetano Madeira |
M. Francisco Caetano Madeira est un homme respectable mais un militant politique détestable. Dans le règlement de la crise séparatiste, il a été un facilitateur studieux et désintéressé. Dans cette phase de renforcement de la réconciliation nationale, il a choisi de devenir un acteur politique engagé au service d’un camp. Il n’est plus impartial et neutre. Il donne des coups mais s’offusque quand il en reçoit. Il déteste visiblement la critique alors qu’il aime volontiers faire la leçon aux autres.
Il s’irrite très vite, perd son sang-froid et dérape parce qu’on lui oppose que la révision constitutionnelle qu’il prône et qu’il veut imposer à l’opposition, aux Assemblées, aux Exécutifs des îles, est inopportune et prétentieuse, que la constitution qu’il veut amender n’est pas responsable de la pénurie de carburants, de la hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité, des sept mois d’arriérés de salaires des agents de l’Etat, des délestages insupportables du courant électrique et de l’eau, des grèves larvées dans le système de santé qui ont mis à terre l’économie et provoqué le désarroi des comoriens. Il pique, en effet, une colère noire et accuse ceux qui dénoncent son attitude grossièrement partisane et cavalière d’être « des forces négatives, des déstabilisateurs qui n’aiment pas ce pays, qui colportent des rumeurs, qui propagent des mensonges ». Il tente ainsi maladroitement de se justifier, de nier ses propositions de prolonger le mandat du Président Sambi d’un an, d’encadrer l’autonomie des îles et de supprimer la tournante, qu’il a pourtant tenues devant des responsables politiques et ailleurs d’ailleurs.
Il feint d’oublier que ce n’est pas en application de la constitution que le Chef de l’Etat refuse la concertation régulière, comme il est de coutume, avec les Présidents des îles. Il sait que ce n’est pas la constitution qui oblige M. Sambi à étouffer l’autonomie de l’île de Ngazidja et à piétiner ses prérogatives, librement exercées par les autres îles. Ce n’est pas la constitution qui contraint M. Sambi à ne pas ordonner l’application des lois organiques sur certaines compétences des îles qu’il a lui-même promulguées. Ce n’est pas la constitution qui lui interdit de convoquer le collège électoral pour renouveler les Assemblées de Moili et Ndzouani dont le mandat est arrivé à terme depuis bien longtemps. Ce n’est pas la constitution qui l’a poussé à agresser la Cour constitutionnelle, à lui imposer ses méthodes et ses hommes au mépris du droit, d’une façon vulgaire parce qu’elle se croyait indépendante et voulait de temps à autre, dans ses décisions, prendre ses distances vis-à-vis du pouvoir. Quand le Chef de l’Etat traite les juges de mercenaires parce qu’ils refusent les injonctions politiques, les fonctionnaires de parasites parce qu’ils réclament leurs salaires, l’opposition d’anti-nationale parce qu’elle dénonce la dérive totalitaire, l’inertie, le clanisme et l’affairisme, M. Madeira et le Bureau de liaison de l’Union africaine à Moroni, couvrent toutes ces brutalités. Le Chef du Bureau de l’Union africaine a cautionné par sa présence la mascarade de prestation de serment du nouveau Président de la Cour constitutionnelle alors que son organisation n’est pas seulement un partenaire comme les autres, mais un garant de la réconciliation inter-comorienne donc de la constitution issue de l’Accord de Fomboni de février 2001.
M. Madeira sait qui bloque le pays. Il a le devoir de lui faire entendre raison au lieu de faire diversion et distraire les comoriens par une révision de la constitution. M. Sambi à qui l’on a confié la responsabilité de l’Etat n’a jamais formellement souhaité une révision constitutionnelle parce qu’il sait qu’il ne sera pas entendu. Pourquoi alors M. Madeira se fait-il son porte-parole et son émissaire jusqu’à s’écarter de son mandat, compromettre sa crédibilité, susciter une réelle méfiance et un rejet ? On aurait attendu du Représentant de l’Union africaine qu’il marquât son étonnement devant le mépris du Chef de l’Etat à l’égard de la constitution et qu’il expliquât que cette constitution est le fruit d’une réconciliation difficile et que la violer serait vouloir la désintégration du pays. Mais, au contraire, M. Madeira s’est transformé en une usine de fabrication de problèmes qu’il déverse en quantité dans le quotidien institutionnel et dans la vie politique, comme s’il voulait qu’apparaissent régulièrement des crises, pour pouvoir toujours rester parmi nous. Mais, sert-il les intérêts comoriens ? A l’évidence non ! Cantonner la classe politique et les médias dans des discussions sur une révision constitutionnelle est très habile en ce moment pour occuper les esprits et détourner l’opinion de l’inertie du pouvoir face aux difficultés de la vie quotidienne. C’est une manière très subtile d’empêcher le débat sur Mayotte qui marche inexorablement vers le statut de département français d’outre-mer en 2009 quand le pouvoir se tait, complice, insouciant ou impuissant. « Vous dites que vous ne voulez pas maintenant de réforme de la constitution ? Bien ! Réunissez-vous quand même. Discutez entre vous. Il faut apprendre à se parler, à dialoguer », assène M. Madeira à la classe politique, comme si l’on était aux premières heures de la crise séparatiste.
M. Madeira n’a rien à nous dire. Il joue au pyromane. A force de vivre avec nous, il a fini par croire qu’il jouissait de tous les droits. Désormais, entre lui et la classe politique comorienne, le pacte de confiance est rompu. Un homme si impliqué dans la politique interne ne peut pas rassembler encore moins réconcilier en cas de besoin. Il a choisi d’être un des piliers du régime Sambi. Il sera alors traité comme tel. Sa mission de représentation du Président de la commission de l’Union africaine est bien évidemment compromise. Il n’incarne plus l’esprit de l’organisation continentale. Il s’éloigne de son idéal. Par son comportement bizarroïde, compréhensible mais impardonnable, il annihile les acquis de l’effort commun. Il éteint la lumière dont il a contribué à allumer dans le cœur de chaque comorien pour un destin commun, dans une gouvernance de stabilité et de responsabilité. Il est souhaitable que les assemblées, les Exécutifs des îles, les partis politiques et ce qui reste de société civile saine, refusent de le rencontrer et exigent son départ.
Cet homme est dangereux pour notre pays. Il symbolise et défend des intérêts contraires à l’harmonie dont notre pays a besoin. Il ne peut pas contribuer à la consolidation de la réconciliation nationale. Sa place n’est plus parmi nous. Il doit aller exercer son talent ailleurs pour le bien de l’évolution positive des Comores.
Ambassadeur Ahamada Hamadi
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Lettre ouverte au Chef de l'Etat
Le 25/09/2008
Monsieur le Président,
Il me plaît de vous écrire aujourd'hui, bien avant votre accession officielle à la magistrature suprême de notre pays, pour être au moins sûr que ma lettre vous parviendra et que son contenu, loin du tourbillon du pouvoir, aura une chance d'être jugée à l'aune de la lucidité et de la rigueur intellectuelle, et non comme une impertinence ou une provocation lancées comme une flèche acérée par un esprit chagrin qui voudrait ôter la cuillère de la bouche de l'élu de Dieu que vous êtes devenu.
Ainsi, il ne sera jamais dit qu'un entourage malveillant et intéressé vous coupe du monde extérieur et que maîtrisant vos ressorts psychologiques, il ne vous raconte que ce que vous auriez aimé entendre et ne vous laisse voir que ce qui agrémente votre vue. Cependant, entre nous, je vous l'avoue, je n'ai jamais cru à la capacité dominatrice et envahissante des proches d'un souverain. Ils ne sont jamais des sangsues sans âme pour qui appréhende la grandeur de sa tâche et intègre la gravité de la solitude du pouvoir. Il s'agit, je le crois sincèrement, d'un alibi pour protéger un chef faible ou psycho-rigide, d'un argument de salon pour refuser la mue d'un homme hier encore ordinaire, devenu par la magie du pouvoir un Dieu vivant, infaillible, omniscient, colérique et méprisant, loin des préoccupations du peuple.
Mais, qu'importe ce que je pense ! Le plus important est ce que vous, vous serez demain. Le plus préoccupant est ce que vous allez devenir parce que, par obligation, vous allez devoir décider à chaque instant, au nom de chaque comorien, et engager à tout moment notre avenir à tous. Vous serez, il faut que vous l'acceptiez, un serviteur du peuple et non son roi. Vous serez chef d'un Etat qui ne vous appartient pas. Alors, prudence et grandeur d'âme. Modestie et humilité devant la responsabilité. Pragmatisme et tolérance. Autorité et compromis et non autoritarisme et compromission.
Voyez-vous, Monsieur le Président, je tente modestement de vous dire des choses simples, apparemment banales et anodines parce que tout à fait naturelles, perméables au commun des mortels, mais souvent incompréhensibles et inacceptables pour de nombreux détenteurs de pouvoir. Vous constatez que toutes les catégories sociales souffrent, que les terroirs désespèrent et que l'Etat est depuis deux ans, un horizon virtuel qui aggrave le comoro-pessimisme. Alors, j'aurai véritablement souhaité que vous réussissiez, j'aurai tellement voulu que votre mandat soit pour tout comorien un long fleuve tranquille afin de ne pas tuer le rêve encore permis d'une renaissance possible du pays.
Je sais qu'aujourd'hui vous comprenez mais j'aurai préféré que le souvenir restât vivace demain, que nous vivons dans un pays, au peuple fataliste et mât certes, mais profondément traumatisé par des expériences politiques hasardeuses et que vous succédez à une gouvernance borgne et sourde. Vous constatez comme chaque citoyen que le droit ne régule rien, que la constitution n'est plus une référence, que l'autorité se dilue, que l'Etat est fantasque pour un gouvernement absent. Toutes les institutions sont malheureusement sommées par la contrainte de marcher au même rythme, d'émettre le même son, sous la baguette du même chef d'orchestre qui s'avère apparemment ne plus connaître le solfège. Dans cette cacophonie, vous le voyez vous-même, aucun son n'est audible, aucune musique n'est perceptible, rien de sérieux ne se fait ni n'est attendu. Aucun avenir n'est à construire. Tout est oppression et répression. Tout est misère et précarité.
Ne serait-ce que pour cette tromperie sur la marchandise – rappelez-vous les promesses de la campagne électorale – le peuple a raison de s'indigner, les partis politiques de se mobiliser enfin, pour, j'espère se battre. Les syndicats ont raison de laver l'affront de la provocation et de l'injure permanente, le gouvernement de Ngazidja de refuser l'autoritarisme et le mépris. Son Président, lucide et à l'écoute du peuple, a sacrifié ses amitiés pour ses convictions, en rompant avec un pouvoir central qui tourne le dos aux intérêts du peuple, qui cultive la haine entre les îles, qui ne cherche qu'à durer quitte à tronçonner la constitution et priver l'île de Moili de son tour dans la présidence tournante.
J'espère que vous serez ni dictateur ni mollasson. Ni libertaire ni liberticide. Ni libertin ni misogyne, mais seulement un démocrate tolérant, respectueux de ses concitoyens. J'espère que vous ne confondrez pas l'argent public et votre porte-monnaie, que vous protégerez votre famille en l'éloignant du cœur du pouvoir. J'espère que vous saurez rapidement comprendre que la réforme de l'Etat est une nécessité première pour permettre à votre gouvernement d'agir avec efficacité, parce que l'administration aura retrouvé les réflexes de sa mission. J'espère que vous comprendrez dès le premier jour qu'un Etat moderne est un Etat modeste. Il défend l'intérêt général et montre le chemin. Il aide et encourage le secteur privé à se renforcer et à se développer parce qu'il est la colonne vertébrale de l'économie, parce qu'il crée la richesse et l'emploi alors que la vocation de l'Etat est seulement de consommer. J'espère que vous ouvrirez notre pays vers l'étranger mais que vous saurez distinguer le bon grain de l'ivraie, que vous saurez, malgré le populisme ambiant véhiculé par un obscurantisme moyenâgeux et un militantisme caduc, sauvegarder les amitiés traditionnelles de notre pays qui sont aujourd'hui plus qu'hier, si nécessaires et véritablement centrales. J'espère que vous clarifierez les relations avec quelques organisations internationales ou leurs représentants à Moroni qui défient l'Etat sans doute parce qu'il est faible, qui se substituent à lui ou lui dictent avec arrogance son comportement, qui s'érigent en proconsuls au lieu de le respecter et le servir parce qu'il en est ainsi. J'espère que vous serez ni idéologue ni devin mais un pragmatique mortel. J'espère que vous saurez refuser les sollicitations bizarres et obscures pour ne plus s'enfermer dans un monde opaque.
Résistez Monsieur le Président à la tentation populiste, essayez si vous le pouvez d'être populaire. Ne cultivez pas le culte de la personnalité. Il est mortel. Ne faites pas ce que veut le peuple, faites ce qui peut lui servir, ce qui peut l'aider, ce qui peut lui être utile. Usez de votre mandat pour faire quelque chose et non pas pour être quelqu'un. Les personnalités fabriquées sont toujours détruites par le temps. On ne rentre pas dans l'histoire par effraction. Epargnez-nous, je vous prie, les débats primaires ou primitifs. Nous sommes des adultes quoique orphelins d'avenir. Par votre action, engagez la classe politique dans des confrontations sur des idées qui nourrissent l'évolution du pays, sur des projets qui transforment les structures économiques, sur des propositions qui remettent le pays à l'endroit. Prononcez-vous sur la place de la religion dans la société. Partagez-vous l'idée qui est la nôtre, moi et d'autres, selon laquelle la religion musulmane est un patrimoine commun à tous les comoriens et que nul n'a le droit de l'exploiter, de l'instrumentaliser à des fins politiques, de s'en servir pour accéder au pouvoir ? A quoi sert le ministère des affaires islamiques dans ce pays musulman où n'importe qui peut être ouléma, imam, prédicateur, prêcheur, sans règles et sans normes, sans aucune autorité de régulation et de contrôle ? Affichage, propagande, bonne conscience ?
A qui appartiennent les mosquées ? A l'Etat, au village, au quartier ou à celui qui l'a fait construire ? Qui les dirige ? Combien d'oulémas, d'imams, de prêcheurs, de prédicateurs, avons-nous dans le pays ? J'aurai aimé savoir. Monsieur le Président, soyez volontaire et visionnaire. Aérez votre esprit par l'environnement international et les leçons de l'histoire. Parce qu'en vérité, la responsabilité politique est par nature fragile et éphémère. Elle est toujours victime de l'usure du temps, prisonnière de ses propres erreurs, encline à l'arrogance et à la suffisance, otage des variations des humeurs du peuple. On croit s'inscrire dans le long terme alors que comme un caillou dans la chaussure, une banale imprudence peut faire tomber et terrasser la plus solide des charpentes, la plus solide des certitudes. Alors quand on a la tête sur les épaules, il faut toujours s'attendre à la disgrâce lorsqu'on plane dans la grandeur, à la misère lorsqu'on flirte avec la splendeur. On évite ainsi, au mieux l'énervement et l'emballement, au pire la dépression nerveuse et la fuite en avant.
Dans nos démocraties tropicales, cette vérité s'oublie souvent. Le nez pointé sur le volant, on monte les vitres, on accélère gaillardement, on ignore freins, clignotants, essuie-glaces, rétroviseur et on fonce, on zigzague jusqu'à quitter la chaussée. Gare aux passagers qui crient danger. On hurle sur eux avec véhémence parce qu'on croit être le meilleur des chauffeurs, on refuse de se remettre en cause, on croit avoir raison sur tout, totalement, et on finit par sacrifier tout le monde, par tuer tout le monde. Si on comprenait que le pouvoir est un élixir qui rend fou, on se soignerait constamment par une cure de réalisme, par un refus acharné et systématique d'être déifié par les courtisans, par l'acceptation d'être habité par le doute. Pour une thérapie efficace, on doit solliciter ou simplement accepter même si on le vit péniblement, le harcèlement constant, permanent, insidieux, parfois cruel de la presse et de l'opposition, parce qu'il est légitime. On doit se refuser de voir des ennemis partout, des complots partout parce qu'on est vite traité de paranoïaque, d'incapable, d'impulsif et d'agité, ce qui n'est pas le bon profil, le meilleur portait psychologique pour un dirigeant. Si on reste autiste, insensible à la critique, les amis les plus fidèles, les plus sûrs s'en vont, s'en éloignent à contrecœur souvent. Il reste les thuriféraires et les griots, des pneus crevés qui brassent du vent mais qui ne sont jamais d'aucun secours.
Mais, pourquoi je vous dis tout cela, Monsieur le Président, serez-vous tenté de vous demander ? Vous fais-je la leçon ? Bien sûr que non. Je n'oserai jamais. Seulement, j'ai la faiblesse de croire que ce pays est le nôtre ensemble, aux riches comme aux pauvres, aux puissants comme aux faibles, au Chef de l'Etat comme aux modestes citoyens. Son devenir nous concerne tous. Rien ne peut être indifférent aux uns comme aux autres. J'ai cru devoir vous écrire parce que j'aurai souhaité que vous soyez différent de votre prédécesseur pour ne plus nous faire regretter le clan qui s'est accaparé du pouvoir pour en faire sa chose et mépriser le peuple. J'ai cru devoir vous écrire parce que j'aurai souhaité que vous ayez une hauteur de vue, un désintéressement et une passion de la chose publique.
Ainsi, nombreux seront à vos côtés, nous serons avec vous, si vous êtes démocrate et républicain, convaincu de la nécessité de la réforme. Nous serons contre vous si vous n'impulsez pas une gouvernance de transparence et de responsabilité. Nous vous applaudirons, si vous restez modeste, humble devant la difficulté et sincère à la tâche. Nous vous combattrons si vous vous croyez le plus intelligent, le plus patriote.
Monsieur le Président, souffrez que je vous dise que vous n'êtes pas à la tête du pays parce que vous êtes le meilleur ou le plus brillant. Pourtant, vous êtes désormais le premier des comoriens. Vous avez alors l'opportunité de briller par votre action, d'être le meilleur et de vous distinguer pour ce que vous aurez à accomplir. Ecoutez Shakespeare parler et méditer toujours sa réflexion sur les hommes et le pouvoir, lui qui disait : « D'aucuns naissent grands, certains accèdent à la grandeur et d'autres ont la grandeur jetée sur eux. » Bien entendu, Monsieur le Président, je ne vise personne. Je crois seulement que ceux qui ont la grandeur jetée sur eux sont un réel obstacle, un danger pour leur pays. Je vous souhaite alors d'être un homme qui a accédé à la grandeur et je vous prie de croire à ma profonde estime, à ma très haute considération.
Votre compatriote
Ambassadeur Ahamada Hamadi
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Le 25/09/2008
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