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Ismaël Ibouroi. ‘‘Le docteur Muigni Baraka fut un profil "
Le 10/01/2009
le professeur de philosophie, Ismaël Ibouroi. |
A l’occasion de la parution son nouveau livre intitulé, Dialogue : Islam et philosophie, nous nous sommes longuement entretenus avec son auteur, le professeur de philosophie, Ismaël Ibouroi. Selon lui pour avoir tenté, il y a vingt ans de cela, ‘‘d’intégrer la voie rationnelle dans la compréhension du message coranique’’, le docteur Muigni Baraka, sans doute un des plus grands intellectuels comoriens de tous les temps, avait « Un profil intellectuel nouveau dans la culture comôrienne ».
Comment vous est venue l’idée de transcrire ce dialogue avec Muigni Baraka et de le publier sous forme de livre ?
Merci de m’avoir donné l’occasion d’expliquer à nouveau la démarche que nous avons, avec quelques amis, autour de la figure intellectuelle et historique de Muigni Baraka. L’idée de ce livre est venue, il y a très longtemps avec d’autres amis notamment Soilih Mohamed Soilih qui a eu l’heureuse initiative de faire une première traduction de ces émissions. Le texte est resté en l’état pendant plusieurs années. Puis, il y a un an, j’ai proposé à Soilih de reprendre cette traduction dans le but d’en faire un livre à l’occasion de la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Muigni Baraka. Il s’est remis au travail et peu à peu le texte a pris forme, prêt pour une première édition. Et voilà que le livre est aujourd’hui en librairie avec ses qualités et ses défauts, comme ultime témoignage de la singularité de cet homme exceptionnel.
La traduction a du poser quelques difficultés...
Je dois dire qu’il s’agit d’un défi de traduction parce qu’il n’est pas facile de faire une langue essentiellement orale vers une langue très élaborée comme le français avec ses dictionnaires, son académie et son immense littérature. Et lorsqu’il s’agit de traduire des concepts philosophiques et scientifiques par des personnes ne maîtrisant pas assez cette langue comme moi ou mal comme Muigni qui mélange souvent un anglais oxfordien, le swahili et l’arabe, alors vous comprendrez la difficulté épistémologique de cette traduction. Je salue donc mon ami Soilih pour son travail précurseur. Il reste une série de textes à traduire : des textes de facture philosophique comme sa thèse sur la félicité humaine, des interventions dans les colloques, des séminaires disséminés dans ces innombrables villes qu’il a visitées. Des textes religieux et soufis, son texte à l’Onu pour l’adhésion des Comores en 75, texte axé essentiellement sur l’identité des Comores et la question maoraise, le fameux texte de l’université d’Istanbul, l’humaniste oublié et l’intellectuel international, etc… la tâche est excitante et longue.
Nous mettons donc à la disposition du public comorien, des intellectuels, des étudiants et des jeunes lycéens ce livre qui montre de façon inédite un ensemble de questions que le commentaire traditionnel souvent axé sur la shariat et la réglementation des mœurs a laissé dans l’ombre.
Outre la thématique déployée dans ce livre sur la philosophie arabo-musulmane, la place de l’homme dans le Coran et surtout la question lourde de la providence et de la liberté, nous avons à chaque fois mis en avant dans ce dialogue la voie rationnelle et argumentative afin de démontrer qu’elle n’est pas incompatible avec l’islam, tout au contraire l’islam l’encourage et en fait un devoir pour tout musulman. Il appartient donc aux lecteurs après avoir écouté ces émissions de profiter de la distance qu’offre la chose écrite, pour lire ce livre et en juger en toute sérénité.
Votre dialogue avec Mouigni Baraka a été, à un moment donné, frappé d’interdiction de diffusion. Comment expliquez-vous le grand intérêt que ce débat suscite aujourd’hui au sein de l’opinion comorienne ?
En 1987 par hasard et par chance, j’ai rencontré le docteur Muigni Baraka à un moment où il voulait quelqu’un pour faire cette discussion autour de la philosophie et des sciences arabo-musulmanes. C’est lui-même qui a pris la décision de faire ce débat à la radio. C’est la première fois qu’un intellectuel qui a une formation de philosophie discutait avec un théologien réputé, très connu dans le monde arabo-musulman et dans l’espace est-africain. Je dois dire qu’à ma surprise, le débat a été censuré au terme de la quatrième édition sur la fameuse confrontation ou articulation de la providence et de la liberté. A vrai dire, je n’avais pas mesuré tout l’enjeu culturel de ce dialogue. Les gens s’attendaient à une polémique dure et même violente entre le grand intellectuel et le jeune professeur que j’étais puisque j’avais 27ans. J’étais déjà habitué à la malveillance et la mauvaise foi de gens qui croyaient sans doute par préjugés tenaces que la philosophie est dans sa substance matérialiste et athée et qu’elle présentait un danger pour nos mœurs. A ma surprise, la douceur, l’humour et l’empathie de mon interlocuteur m’ont mis à l’aise et ont libéré mon discours et quelques unes de mes analyses. Cet état d’esprit explique et justifie le titre de dialogue donné à ces émissions, au sens socratique et moderne du concept.
Vingt ans après comment comprenez-vous cette interdiction publique ?
Elle reste pour moi une énigme au regard de la forte personnalité de mon interlocuteur. Muigni Baraka censuré, cela est pour moi inimaginable. Je crois qu’au-delà de cet incident déprimant de la censure et des problèmes personnels, il y a la démarche de Muigni, universitaire et cosmopolite qui dérangeait profondément les habitudes du commentaire orthodoxe et légaliste en cours depuis des décennies dans notre pays. Je rappelle que dans la tradition musulmane le rationalisme de Farabi et d’Averroès a toujours été suspect, combattu et resta longtemps minoritaire, ce qui est le propre des cités ignorantes selon Farabi. C’est même une des raisons qui expliquent le recul de cette civilisation à partir de la fin du XIe siècle. C’est bien dommage pour notre culture car nous avions prévu une dizaine d’émissions qui auraient constitué une véritable somme et un testament puisque Muigni allait mourir un an après, au mois de Mars 1988.
Je vais profiter pour remercier la radio nationale qui nous a invité à cette discussion et qui n’a cessé depuis de diffuser ces émissions, reprises dans les radios libres nationales jusqu’à Mayotte, en France au sein de la communauté comorienne où les cassettes circulent encore sous le manteau, battant tous les records d’audience. Je voudrais redire ma reconnaissance pour le rôle d’animateur décisif joué par le journaliste Mohamed Cheikh dans l’organisation et la réalisation de ces émissions.
Au-delà du contenu de ce débat, je crois que la démarche a été excellente parce qu’elle a permis de réhabiliter ici et maintenant la possibilité de continuer à faire de la philosophie ici et maintenant, sortir un peu de la solitude incroyable que je traversais à cette époque. Ce débat a été décisif pour mon avenir intellectuel et a rendu possible une plus grande réceptivité de l’enseignement et du travail critique de la philosophie.
Ce fut un débat plutôt fécond…
Parfaitement. Sans doute à cause du parcours de Muigni Baraka, à la fois universitaire, biologiste, doublé de philosophe. C’est un profil intellectuel totalement nouveau dans notre culture. Il a tenté d’intégrer la voie rationnelle dans la compréhension du message coranique. Il est le seul à l’avoir fait, connaissant les langues et ayant parcouru le monde entier. Ses interlocuteurs, pas toujours musulmans, avaient besoin de cette voie-là pour que le message coranique soit audible, entendu et compris, surtout dans le contexte difficile d’aujourd’hui.
Par cette voie rationnelle, il a fait le lien entre le monde arabo-musulman et la culture gréco-latine. Là encore il a retrouvé une voie rationnelle, celle d’Averroès et de Farabi qui a fait la force historique du monde arabe.
C’est cette voie seule qui permet de retrouver l’universalité du message, évitant les impasses de la violence et du choc des civilisations et de continuer à faire le progrès dans les sciences. Ce n’est pas pour rien que le grand livre d’Avicenne s’appelle le livre de la guérison C’est mon héritage aussi. J’espère que la démarche que prône ce livre sera approfondie par d’autres afin de préserver notre pays de la montée des périls, en faisant de notre région est africaine un espace de dialogue et de médiation. La seule vraie question pour moi est de savoir si la philosophie, par sa voie rationnelle et argumentative, est elle encore capable de rouvrir les portes de l’idjtihad fermées depuis le 12e siècle et réamorcer la pulsion créatrice qui a fait la force de cette civilisation, jadis ouverte, tolérante et novatrice.
Espérons que les intellectuels et les lettrés de notre pays sortiront de leur somnolence dogmatique pour se mettre enfin à acheter et à lire le livre comorien.
Aux Comores, on a souvent opposé l’islam à la philosophie. Croyez-vous qu’avec le temps, ce jugement a évolué ?
Je pense que le jugement a énormément évolué. L’islam selon Muigni Baraka ne s’oppose pas à la philosophie, il intègre la philosophie, la voie de la raison, la voie de la discussion. Il suffit de citer les nombreuses interpellations que Dieu fait aux hommes sur ce sujet. Il serait long d’en faire la démonstration ici sur ce corpus rationnel qui va d’Al khindi à Averroès en passant par Farabi. On comprendra pourquoi le grand bouleversement opéré par la philosophie dans le monde musulman s’est figé aux XI et XIIème siècles lorsque les portes de l’Ittijihad c’est-à-dire de l’effort d’interprétation et de questionnement ont été fermées notamment suite à l’exil et à la mort d’Averroès.
Il y a une thématique qui revient souvent dans votre débat, celle de la prédestination. A l’issue de ce dialogue avec le professeur Muigni Baraka, peut-on esquisser une espèce de conclusion sur le sujet ?
Là encore, la voie rationnelle s’articule avec l’exigence de la liberté personnelle et la tolérance de l’interlocuteur. Muigni Baraka démontre longuement dans le débat que le message coranique ne s’oppose pas à la liberté des hommes ; mieux encore le message l’encourage parce qu’il n y’a pas de jugement dernier si Dieu n’avait pas donné aux hommes la responsabilité sur un certain nombre de choses donc une capacité à choisir. Je pense que les Comores sont habituées à vivre l’Islam dans la dimension de la fatalité, Muigni Baraka voit islam, rationalité et liberté personnelle.
C’est un débat qui reste ouvert. Je pense que Muigni Baraka a apporté aux Comores cette nouvelle démarche de la liberté des hommes fondée sur la compréhension rationnelle du message coranique et la tolérance des interlocuteurs. Il rendu à ma génération l’aide inestimable de pouvoir à enseigner la philosophie sans être exclu de la communauté des hommes. C’est une dette qui nous est léguée comme un défi intellectuel et une mémoire pour les générations.
Propos recueillis par Mohamed Inoussa
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Oukacha devient méchant !
Le 10/01/2009
le ministre Elarif Oukacha |
A l'hôtel le Moroni le dimanche dernier, comme au centre de Salamani Fomboni Mohéli, le mercredi, des mohéliens se sont réunis pour voir ensemble le démarche à suivre pour « contrecarrer cette initiative du président Sambi à rester au pouvoir au-delà de 2010 ».
L'ex-président de l'île autonome de Mwali M. Mohamed Said Fazul est lui aussi apparu pour la première fois, depuis qu'il a quitté le pouvoir, à la télévision de Mwali, pour exprimer son désarroi sur cette question qui, selon ses propos, met en péril l'unité nationale retrouvée.
« Que Sambi quitte tout simplement le pouvoir à la fin de son mandat sans chercher..., nous ne lui concéderons aucun jour de plus », a-t-il déclaré. Et le futur candidat qui se fait appeler le père de l'autonomie d'ajouter qu'il appartient aux mohéliens, après leur tour de la présidence tournante, de faire le constat des imperfections de l'actuelle constitution et éventuellement proposer des réformes, estimant que Sambi serait mal placé pour le faire.
A l'hôtel Le Moroni ce dimanche où avaient pris part M. Abdou Djabir, le président du parti MSADA et autre candidat potentiel aux prochaines élections présidentielles, le président de l'assemblée Said Dhoifir Bounou, l'ancien vice-président Ben Massoundi Rachid et d'autres cadres mohéliens, « c'était scandaleux ! », nous a confié Bayhaki Kambi, un jeune cadre présent à la rencontre.
Pourtant la réunion avait commencé dit-on dans « une atmosphère très sereine », presque tous les intervenants étaient unanimes pour exiger que Sambi quitte le pouvoir à la fin de son mandat en 2010, chacun proposant la démarche à suivre. Mais tout va basculer lors que le ministre Elarif Oukacha (photo) [membre du gouvernement central] prend la parole.
« Je défends la révision constitutionnelle mais en respectant la tournante » a-t-il souligné. C'est alors que des jeunes qui étaient derrière lui l'ont provoqué, et le ministre perd le contrôle, laissant ainsi éclater sa colère : « tsi toréa [je défie] tous ceux qui sont ici en matière de combat pour Mohéli, les ennemis de cette île sont ceux qui refusent la révision, ils n'ont pas d'électorat, et d'ailleurs je les ai toujours battu », martèle Oukacha.
Continuant ainsi dans avec sa voix qui dominait la salle, le ministre des infrastructures, qui est souvent accusé chez lui à Mohéli d'avoir vendu le poste de président de l'assemblée fédérale qui revenait à l'île de Djoumbé Fatima, à l'époque du régime du président Djohar, a tapé sur les nerfs de ses interlocuteurs lorsqu'il conclue : « je suis le plus intelligent de tous les comoriens des 4 îles ».
Et quand Said Dhoifir Bounou a voulu lui répondre, ce dernier a claqué la porte. Toutefois les participants ont confié à la commission mise en place depuis quelques mois le soin de continuer sa mission dans les 4 îles, afin de dégager une position commune et consensuelle qui sera formalisée dans un mémorandum.
Au centre de Salamani tous les intervenants à cette conférence de presse où avaient pris part de nombreux cadres mohéliens, M. Salim Djabir l'ancien président de l'assemblée fédérale, Mhibaca Baco un grand politicien mohélien et presque tous les ministres de l'île étaient unanimes sur le fait que « ce referendum n'aura pas lieu à Mohéli avant 2010 » (voir ici). A Anjouan et Ngazidja « on ne peut rien garantir », nous confiait hier M. Aboubacar Ahmed, un conseiller pédagogique.
Mouayad Salim
Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
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L'avertissement de l'opposition
Le 10/01/2009
Houmed Msaidié (CRC), Ténor de l'opposition |
Plusieurs dirigeants politiques viennent de rendre publique ce mardi 6 janvier une « déclaration commune » dans laquelle ils dénoncent et condamnent « avec la plus grande vigueur » la promulgation par le chef de l'Etat de la loi dite de « citoyenneté économique », dont l'adoption reste au centre d'une grande controverse, entre partisans et adversaires du texte.
Réunis dans l'enceinte de l'assemblée de l'île autonome de Ngazidja, une cinquantaine de hautes personnalités de l'Etat et dirigeants d'organisations de la société civile et de partis politiques déclarent « nul et de nul effet le décret de promulgation de ladite loi ainsi que tous les actes » pouvant en découler, notamment « les textes de naturalisation des ressortissants étrangers, les passeports et les autres documents d'identité et d'état-civil qui leur sont éventuellement délivrés ».
Les signataires de la déclaration commune, parmi lesquels se trouvent le président de l'assemblée nationale, Said Dhoifir Bounou, le président de l'assemblée de l'île autonome de Ngazidja, Soudjay Hamadi, le président de l'île de Ngazidja, Mohamed Abdouloihabi, un représentant de l'exécutif de Mohéli, ainsi que des élus et ministres, préviennent les éventuels bénéficiaires, leurs pays de résidence et les organisations auxquelles ils appartiennent que « ces actes seront annulés sans remboursement ni dédommagement et qu'au contraire des compensations leur seront réclamées au profit du peuple comorien désabusé et spolié ».
Cette loi défendue par le gouvernement central et les partis de la mouvance présidentielle, est censée être génératrice d'importants fonds d'investissements extérieurs, estimés entre 200 et 300 millions de dollars US. C'est le groupe privé Comoro Gulf Holding (CGH) de l'homme d'affaire franco-libanais Bashar Kiwan qui est le principal promoteur de ce texte rejeté une première fois en juillet 2008, et déclarée « adoptée » quatre mois plus tard, dans des conditions confuses, sur fond de graves soupçons de corruptions à l'endroit de certains élus.
A les en croire, les auteurs de la déclaration commune du 6 janvier entendent aller jusqu'au bout de leur détermination à agir « de concert, pour que dès la fin de son mandat en mai 2010 », l'actuel président de la république « soit poursuivi et traduit devant les cours et tribunaux compétents pour haute trahison ». Une accusation gravissime qui donne à l'affaire de la loi de citoyenneté économique une dimension politique et juridique jusqu'ici jamais atteinte, depuis l'instauration du nouveau cadre institutionnel issu de la constitution du 23 décembre 2001.
Au nombre des autres personnalités politiques opposées à la loi de citoyenneté économique présentes à la réunion de ce mardi, l'on peut citer le
Omar Tamou (Udzima),
Houmed Msaidié (CRC),
Said Ali Kémal (Chuma),
Kamar-Ezamane (MCUD)
Ibrahim Ali Mzimba (Pari),
Ali Mohamed Abdallah (Kasiya).
Mohamed Abdou Soimadou (Ridja),
Dr Mtara Maecha leader du parti RND-Rénovateur,
Mzé Soulé Elbak (Dudja, ancien président de l'île de Ngazidja),
El-Had Said Omar
Agence comorienne de presse (HZK-Presse)
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Mayotte : les enjeux du référendum
Le 10/01/2009
Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer |
Départementalisation : Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-mer, se trouve actuellement à Mayotte pour y préparer le référendum du 29 mars sur la départementalisation. Ce devrait être l’une des dernières étapes d’un processus qui se fait désirer depuis cinquante ans. Quelques clefs pour comprendre ce moment historique.
- Pourquoi un référendum le 29 mars ?
La demande des élus mahorais remonte à 1958 alors même que les Comores appartiennent encore aux colonies françaises. Face à cette revendication répétée mais jamais prise en compte par les gouvernements successifs, le Premier ministre Lionel Jospin commande en 1998 un rapport qui débouche sur la signature, le 27 janvier 2000, des “Accords sur l’avenir de Mayotte”. Le document prévoit que “l’appartenance de Mayotte dans la République française s’inscrit dans la Constitution”. Ce qui est le cas depuis 2003. De collectivité territoriale, Mayotte devient une collectivité départementale pour une durée de dix ans permettant le passage vers le droit commun. La loi prévoit que le conseil général de Mayotte pourra adopter en 2010 une résolution portant sur la modification du statut de l’île.
En 2004, le conseil général récupère des compétences dévolues à l’Etat. Et, en 2008, la plupart des lois et règlements en vigueur en métropole sont applicables à Mayotte. En 2006, Mansour Kamardine, alors député, obtient du président Chirac l’avancement en 2008 de la consultation des Mahorais. Une résolution du conseil général est votée le 18 avril 2008 demandant au gouvernement d’organiser le fameux référendum. Entre-temps, le candidat Sarkozy s’était engagé en mars 2007 à respecter la parole du gouvernement. Le 16 décembre dernier, les élus mahorais sont invités à L’Élysée pour prendre connaissance de la “feuille de route” tracée par le gouvernement. Nicolas Sarkozy leur annonce que le référendum aura lieu le 29 mars 2009.
Quel est le calendrier retenu par le gouvernement ? Si les Mahorais votent “oui”, leur île ne sera pas, le soir du 29 mars, le cinquième département français d’outre-mer et le 101e département français. Il leur faudra attendre avril 2011 et l’installation d’une nouvelle assemblée unique résultat d’élections prévue début 2011. Le processus sera “long et progressif”. “Nous voulons des évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps”, souligne bien le “Pacte pour la départementalisation de Mayotte” rédigé par le gouvernement. Le calendrier fixe une série d’échéances. Il est prévu jusqu’à 2011 l’adoption d’une série de textes législatifs et réglementaires prévoyant les adaptations nécessaires à Mayotte au droit commun.
S’agissant des prestations sociales, le gouvernement “considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de les verser immédiatement au même taux qu’en métropole ou dans les DOM”. Le RMI, l’allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique, se situeront “à compter de leur mise en place en 2012, à environ un quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM”. La montée en charge de ces prestations “sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme de développement économique de Mayotte”. La fiscalité de droit commun (taxe d’habitation, taxe foncière, taxe sur les ordures ménagères...) entrera en vigueur au 1er janvier 2014.
Pourquoi un tel attachement des Mahorais au département ?
Dans un article publié par le mensuel Kashkazi (n°59, janvier 2007), le journaliste Rémi Carayol analyse comment la revendication départementaliste ressemble à une religion. Une revendication qui se transmet de génération en génération. “Le statut de département fait figure de Graal à atteindre coûte que coûte - un Graal qui permet souvent aux élus de se dédouaner de leurs insuffisances et de détourner l’attention des électeurs”. Interrogé par le journal, Bacar Ali Boto, l’un des rares hommes politiques mahorais à s’être prononcé contre, explique qu’on ne peut que difficilement remettre en cause la départementalisation. “Quand on est contre, on est banni, c’est un sacrilège, mieux vaut pêcher, Dieu pardonnera, que s’opposer au département”.
Dans Kashkazi, le député Abdoulatifou Aly souligne que les Mahorais veulent avant tout le droit commun. “Il est fondamental de demander la dignité d’être des Français comme tous les autres. Aujourd’hui, cette dignité, les Mahorais fuient la Réunion ou en métropole pour la trouver car, là-bas, ils jouissent totalement de la citoyenneté française et européenne”. Pour les Mahorais, la départementalisation représente surtout un ancrage définitif dans la République face à l’Union des Comores qui revendique ce territoire. Abdoulatifou Aly explique aussi qu’il s’agit “d’un réflexe sécuritaire pour nous protéger des autres îles”. Exprimant un sentiment partagé par beaucoup, le député dit se méfier des gouvernements français “qui font sans cesse des reculades” (pour en savoir plus, lire sur le site du CRESOI des articles sur l’histoire de Mayotte http://www.centre-histoire-ocean-indien.fr).
Le résultat du référendum peut-il réserver une surprise ?
La seule incertitude du référendum n’est pas de savoir si les Mahorais voteront “oui” mais dans quelle proportion. En 2000, 72,94% avaient voté en faveur des accords de Paris avec un taux de participation de 76%. Et la plupart de ceux qui avaient voté “non” estimaient que le processus de départementalisation était trop long à se mettre en route. L’attente est donc énorme. Dans ses voeux pour 2009, “année de la départementalisation”, le président du conseil général Ahamed Attoumani Douchina, a souhaité aux Mahorais de “vivre leur rêve, un rêve qui est né il y a plus de cinquante ans”. Mais certains intellectuels critiquent la vision paradisiaque du département reprochant à leurs compatriotes de n’être attirés que par l’argent des prestations sociales et une société d’assistanat. Les critiques visent aussi les coups portés à la culture et aux traditions mahoraises et le déluge de lois et de règlements auxquels doit se plier désormais Mayotte.
La départementalisation de Mayotte va-t-elle provoquer un nouvel afflux de clandestins ?
L’arrivée encore plus régulière de kwassa-kwassa, la perspective de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui périssent en mer : c’est évidemment ce que craignent par-dessus tout le gouvernement français et les autorités mahoraises. Avec la départementalisation, le niveau de vie va encore progresser dans l’île française. Ces dernières années, le SMIC y a régulièrement augmenté. Le 1er juillet 2010, il doit représenter 85% du SMIC national. Mayotte sera encore plus attractive pour un pays aussi pauvre que les Comores. Paris veut donc éviter “un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière”. Dans son “Pacte pour la départementalisation”, il prévient que des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise sont nécessaires et veut rassurer les élus locaux. Autrement dit, le gouvernement se montrera encore plus ferme dans sa politique et compte bien dépasser les 16 000 expulsions par an.
Mais les méthodes employées par les autorités françaises sont pointées du doigt. Amnesty International a condamné la France fin décembre après la vidéo du centre de rétention de Pamandzi où l’on voit des sans-papiers entassés les uns sur les autres. Afin de “dissuader les flux illégaux”, Paris veut également mettre en avant la coopération économique et la recherche d’un accord, à travers le Groupe de travail de haut niveau (GTHN) sur la circulation des biens et des personnes entre Mayotte et les Comores. Optimiste, Yves Jégo affirme avoir jeté les bases d’une “nouvelle entente” entre les deux pays après son voyage en mai dernier.
Qu’est-ce qui va changer pour la société mahoraise ?
De nouveaux impôts. L’instauration d’une fiscalité de droit commun sera le revers de la médaille pour les Mahorais. Ceux-ci devront s’acquitter de nouveaux impôts qu’ils ne payaient pas jusqu’ici : la taxe d’habitation, les taxes foncières et la taxe sur les ordures ménagères. Ces ressources permettront aux 17 communes de l’île de disposer de moyens aujourd’hui inexistants pour assurer leurs missions (aide sociale, logement, assainissement, développement économique etc.). Les communes ne bénéficient actuellement que des transferts de l’Etat et du conseil général. Pour ce dernier, l’enjeu est également primordial, puisque les droits de douanes et l’essentiel des impôts (taxes sur les sociétés et sur le revenu par exemple) n’abonderont plus son budget comme aujourd’hui, mais celui de l’Etat. La fin de la polygamie. L’instauration du droit commun approfondira l’égalité hommes-femmes à Mayotte, notamment dans le mariage. L’âge minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans.
Toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître. Le mariage religieux n’est pas interdit mais le mariage civil devra avoir été célébré au préalable en mairie. Surtout, les mariages polygames seront formellement interdits, sous peine de sanctions, ce qui constitue une révolution même si la pratique de la polygamie serait en déclin ces dernières années. La fin de la justice cadiale. Élément de la culture mahoraise, la justice des cadis (juges musulmans), obéissant à la loi coranique, sera définitivement abolie car jugée incompatible avec les principes républicains.
L’activité notariale des cadis concernant les biens immobiliers a disparu au 1er janvier 2008, celle concernant l’état-civil se limitera à un conseil et non à l’établissement d’actes généraux de droit. Le rôle des cadis, porteurs des traditions et parlant couramment les langues locales, serait recentré sur des fonctions de médiation sociale.
Quels sont les principaux freins à la départementalisation ?
L’état civil : Le casse-tête de la régularisation de l’état civil à Mayotte est un gros frein à la départementalisation. Nombre de Mahorais sont actuellement sans papiers. La CREC (commission de révision de l’état civil), en place depuis 2000 à Mayotte, avait encore en juin 2008 un stock de 14 000 dossiers en attente sans compter les nouvelles demandes. Les délais de traitement varient de 3 à 4 ans. La défenseure des enfants, Dominique Versini, a pointé du doigt une “situation extrêmement préjudiciable” après sa visite à Mayotte en octobre dernier. Sans carte d’identité, ni passeport, ni certificat de nationalité, ces Français d’Outre-mer ne peuvent se déplacer sur le territoire national, ne peuvent poursuivre des études supérieures hors Mayotte. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de droits sociaux, notamment dans le domaine de la santé, ni de droits électoraux. Le pacte pour la départementalisation assure que “en 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers”.
Jusqu’ici les moyens humains et informatiques ont été largement insuffisants. L’État s’engage à organiser “une opération générale de recensement de tous les Mahorais”. La langue française : 73 000 élèves sont actuellement scolarisés à Mayotte (contre 8 000 il y a 20 ans). L’État ne veut “pas opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise”. Mais, il en appelle aux familles, aux structures locales et “à RFO” pour améliorer la diffusion du français, aux côtés de l’Éducation nationale. Selon le rapport de la défenseure des enfants, les familles parlent “à 70 % le mahorais et à 22 % le bushi”. L’échec scolaire est important. “80 % des jeunes de 6e ne sauraient pas lire”, relève Dominique Versini.
Quel impact pour l’économie locale ?
“La départementalisation doit rimer avec développement économique.” C’est le discours volontariste de l’Etat qui pense que de nouveaux moyens pourraient provoquer “un électrochoc”. “Le but n’est pas de créer un département pour créer un département”, souligne-t-on rue Oudinot. Le contrat de projet pour la période 2008-2014 prévoit 550 millions d’euros d’investissement, notamment avec les chantiers phares de l’extension du port de Longoni et la piste longue de l’aéroport de Pamandzi, ou encore la résorption de l’habitat insalubre. De nouveaux crédits d’Etat viendront compléter ce dispositif. Une chose est sûre les besoins sont immenses en terme d’infrastructures (assainissement, routes, bâtiments publics).
Jusqu’à l’an passé, un collège et un lycée étaient inaugurés tous les ans. Le secteur privé doit connaître lui aussi un boom des investissements, notamment en matière de services. Le niveau de vie des Mahorais va augmenter avec la hausse programmée du SMIC, et les nouvelles prestations sociales. Comme cela s’est vu avec la forte poussée des ventes de voitures dans l’Ile aux Parfums, la hausse moyenne des revenus des Mahorais doit entraîner une croissance de la consommation locale.
Mayotte accédera-t-elle au statut de RUP de l’Europe ?
Normalement oui. En devenant Département français, Mayotte pourra prétendre à rejoindre les sept territoires ayant le statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, et dont la spécificité est reconnue. Ce qui lui donnerait notamment accès aux riches dotations des fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE). Mais la procédure, complexe, suppose entre autres que Mayotte puisse faire face à l’application de l’ensemble des règles communautaires.
La départementalisation, nouvelle crise en perspective entre Paris et Moroni ?
“Mayotte est comorienne et le restera à tout jamais.” L’affiche qui trône à Moroni résume le combat mené depuis l’indépendance en 1975 par beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels comoriens. Pour une très large partie de l’opinion publique comorienne, il est inconcevable que l’île voisine appartienne une fois pour toute à la République française. Après l’épisode Bacar, la perspective du référendum ouvre à coup sûr la voie à une nouvelle crise en Paris et Moroni. Autre certitude, ce scrutin risque d’affaiblir encore un peu plus le président Ahmed Abdallah Sambi auquel beaucoup de Comoriens reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses en matière de logement et de lutte contre la corruption. Sans parler du niveau de vie. Le président Sambi doit donc faire face à une forte pression de son opinion publique qui n’accepte pas que les Comores perdent la face.
D’autant plus que beaucoup n’oublient pas qu’en septembre dernier, il a retiré de l’ordre du jour de l’assemblée général de l’ONU l’épineuse question de Mayotte. L’autre certitude est que le chef d’Etat comorien ne souhaite pas se brouiller avec la France. Lors du dernier sommet de la Francophonie, on sait qu’Yves Jego l’a rencontré durant plus d’une heure pour lui expliquer que la départementalisation était le fruit d’un processus institutionnel mis en place depuis 2000. Ahmed Abdallah Sambi n’a pas semblé hermétique à ces explications. Reste que le chef d’Etat, qui vient d’obtenir du FMI une enveloppe de 17,5 millions de dollars d’aide d’urgence, ne peut se permettre de tourner le dos à son électorat. Le 28 décembre, à l’occasion de l’avènement de l’an 1 430 de l’Hégire, il a annoncé qu’il allait organiser au premier semestre un référendum pour mener la réforme institutionnelle du pays.
Et il a fait savoir qu’il voulait rester un an de plus au pouvoir, jusqu’en 2011.
Jérôme Talpin & Bérengère Nauleau
Dossier spécial de Clinacoo
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Les dernières brèves internationales
Le 10/01/2009
le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon |
Chistopher Ross, nommé comme nouvel envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara Occidental.
Le diplomate américain, Christopher Ross, est le nouvel envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, indique RFI. Il remplace le Néerlandais, Peter van Walsum, dont le mandat qui expirait en août dernier n’a pas été renouvelé par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. La mission de Christopher Ross risque d’être compliquée. Aucun envoyé spécial n’a réussi à régler le conflit entre le Front Polisario et le Maroc qui dure depuis plus de trente ans.
Manama : nouvelle force multinationale pour lutter contre la piraterie
Baptisée CTF 151 (« Combined Task Force 151 »), une nouvelle force multinationale pour lutter contre les pirates somaliens qui sévissent dans le Golfe d’Aden et l’océan Indien, et qui agira sous commandement américain, vient d’être crée, indique TV5. L’annonce a été faite jeudi par la Ve Flotte américaine, basée à Manama, et fait suite à la multiplication des actes de piraterie au large des côtes de Somalie, une situation qui a déjà entraîné un renforcement par la communauté internationale de sa présence maritime dans la région.Une centaine de navires ont été attaqués en 2008 par les pirates somaliens, qui ont perçu des rançons de quelque 120 millions de dollars.
RDC : affrontements entre miliciens pro-gouvernementaux et les rebelles
Des affrontements entre rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et les combattants d’un groupe armé pro-gouvernemental ont éclaté, vendredi matin, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), écrit TV5.Selon le porte-parole militaire du CNDP, le lieutenant-colonel Séraphin Mirindi, des miliciens de la coalition des patriotes résistants congolais (Pareco) ont attaqué à l’aube les positions du CNDP.
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