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Crise parlementaire : Un imbroglio politico-juridique

Le 12/04/2012

Le Président de l`Assemblée de l`Union, Bourhane Hamidou
Le Président de l`Assemblée de l`Union, Bourhane Hamidou 

Alors que des députés pressent le président de l’assemblée nationale de remettre sa démission, ce dernier, « élu pour toute la durée de la législature », fait de la résistance. Mauvaise gestion, voyages “souvent inutiles”,… voilà les principaux griefs portés contre Bourhane Hamidou qui contre-attaque avec les mêmes griefs contre ses détracteurs. Cette crise parlementaire risque de paralyser le fonctionnement des institutions. A Beit-salam, c’est le black-out au nom, dit-on, de l’indépendance des pouvoirs. Devant ce qui s’apparente à un imbroglio politico-juridique, certains se tournent déjà vers la Cour constitutionnelle, encore faut-il qu’elle soit saisie.

 

« Dégage », Le célèbre slogan est entré à l’assemblée nationale. Des parlementaires comoriens se le sont appropriés pour demander à Bourhane Hamidou de quitter le perchoir. Ils l’accusent notamment de “gestion opaque” des fonds de l’institution, de “missions fictives à l’étranger”. Ce sont les députés de l’île de Ngazidja qui semblent être à l’origine de cette fronde. Ils pointent surtout l’arrogance du député de Hambou, qui tirerait la couverture à soi, en snobant le reste des parlementaires. “Il gère l’assemblée avec un petit comité de copains”, confie l’un d’eux. Dans une pétition en date du 23 mars, ils demandent à leurs collègues de Ndzuwani et de Mwali de marquer leur pleine adhésion à la démarche. Le président élu à la mi-janvier 2010 serait en train de faire l’unanimité contre lui.

 

L’homme, plutôt que de rendre les armes ou d’agiter le drapeau blanc au vu de ce rapport de forces largement en sa défaveur, fait encore de la résistance. Il a battu le rappel de ses troupes pour constituer un front uni contre “ce diktat” des députés.

 

« De bonne guerre »

 

Chefs de villages, préfets, groupements féminins, diplomates en poste à Moroni,…le président de l’assemblée reçoit en permanence. Dans chacune de ses interventions, il ne prend pas de gants pour lancer quelques piques contre ses “opposants”. Il les accuse, entre autres, de détournements de fonds (ils se seraient servis du Rau pour s’acheter des véhicules privés).

 

Tout récemment, il s’en est pris, dans la presse, à certains parlementaires qui se seraient “fait payer des frais de mission au Trésor public alors que leur voyage (en France) était totalement pris en charge”. Selon un observateur averti de la scène politique locale, “c’est de bonne guerre. Les députés frondeurs lui reprochent une mauvaise gestion, et Bourhane tente de retourner l’accusation contre eux”.

 

« Prêt à tout ! »

 

Pour justifier son maintien au perchoir, Bourhane Hamidou invoque l’article 20 de la Constitution qui stipule que “le président est élu pour toute la durée de la législature“. C’est d’ailleurs le refrain de ses conseillers et autres supporters, qui en appellent au strict respect des textes. “Pourquoi on s’est donné tant de peine pour accoucher de ces lois si, au bout du compte, on peut les violer aussi facilement”, se demandent-ils. “Je suis prêt à verser mon sang pour défendre le droit. Je lutterais jusqu’à mon dernier souffle”, a martelé Bourhane devant un parterre de notables.

Si le patron de l’assemblée nationale peut se prévaloir de la légalité, il souffre cependant, selon toute vraisemblance, d’un déficit de légitimité. Et c’est là où le bât blesse. “Comment pourra-t-il gérer une assemblée qui lui est totalement hostile. La politique, ce n’est pas que de textes, c’est aussi une question de rapports de forces”, avertit un autre fin connaisseur du marigot politique comorien. Toujours est-il que la situation reste aujourd’hui bloquée et risque de paralyser le fonctionnement des institutions. D’autant plus qu’une session parlementaire est prévue le 6 de ce mois.

 

Le bout du tunnel ?

 

Pour sortir de cet imbroglio, certains proposent la dissolution pure et simple de l’assemblée nationale. Rien de moins ! Mais, au-delà des très grosses difficultés financières qu’aurait l’Etat pour organiser, dans les prochains mois, des législatives anticipées, il se poserait surtout, selon certains praticiens du droit, un problème juridique : l’assemblée de l’Union et les conseils des îles ayant été élus en même temps, le chef de l’Etat ne pourra donc pas dissoudre l’une et laisser les autres. “Or, il n’a pas le pouvoir de prononcer la dissolution des conseils”, argumente un juriste.

 

A l’en croire, dissoudre le parlement revient d’abord à modifier la constitution. “Il faudrait, dans ce cas, convoquer un Congrès ou passer par un référendum; ce qui pourrait prendre beaucoup de temps”, ajoute-t-il. Autrement dit, on n’est pas encore au bout du tunnel ! Cette lecture du texte fondamental ne fait pas l’unanimité de tous.

 

Nombreux sont ceux qui s’en remettent à l’article 12 alinéa 1 qui dispose que “le président de l’Union peut, après consultation du président de l’assemblée, prononcer la dissolution de l’assemblée de l’Union. Les élections générales des représentants de l’Union ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution”.

 

“Choix cornélien”

 

C’est justement en raison des multiples interprétations de la loi que la Cour constitutionnelle doit être saisie pour trancher dans le vif et couper court à la polémique.

 

Certains s’étonnent du silence de Beit-Salam sur cette crise. Officiellement, c’est au nom de l’indépendance des pouvoirs que le président Ikililou Dhoinine se garde d’intervenir dans le débat. Même si une rumeur de plus en plus insistante prétend que cette fronde ne gène pas outre mesure le palais présidentiel. “Non, nous n’avons rien à voir avec tout cela. Il s’agit de la même majorité parlementaire, la présidence est au-dessus de ces querelles intestines”, assure Mmadi Ali, directeur de cabinet du chef de l’Etat chargé de la Défense.

 

Il faut dire que le pouvoir est ici confronté à un choix cornélien : en cas de dissolution, pourra-t-il retrouver la majorité parlementaire ? Toute la question est là. Un proche de la première dame fait sien cet adage populaire : “Vaut mieux un tiens que deux tu l’auras”. Encore faut-il que cette sagesse soit partagée à Beit-salam.

 

Mohamed Inoussa

Article extrait d’Alwatwan Magazine

N°14 censuré par l'Etat comorien

 

Un circuit financier vicié : On dépense, oui ! Mais pourquoi et comment ?

Le 12/04/2012

Couverture d’Alwatwan Magazine  N°14 censuré par l'Etat comorien
Couverture d’Alwatwan Magazine N°14 censuré par l'Etat comorien 

La loi de finances de l'exercice 2012, adoptée le 19 décembre 201I, il y a donc quatre mois, par l'assemblée nationale, ressemble à s'y méprendre à celle adoptée, il y a dix ans, ou vingt ans. On y aligne des ministères, des chapitres, des rubriques, des sommes... et le tour est joué. Les mêmes pratiques et procédures de dépenses dénoncées hier comme de graves dérives, souvent à l'origine des accumulations structurelles des dettes, n'ont jamais été rectifiées. Le circuit de la dépense est vicié et n'évolue point. Cela ouvre, naturellement, la voie à tous les abus...

 

La loi de finances de l'exercice 2012, adoptée le 19 décembre 2011 par L'assemblée nationale, ressemble à s'y méprendre à celle adoptée, il y a dix ans, ou vingt ans. Aussi bien dans sa conception que dans sa présentation. L'exposé des motifs qui l'accompagne pour définir la politique et justifier les dépenses comme les impôts à prélever est rédigé sans grande conviction.

 

On y aligne des ministères, des chapitres, des rubriques, des montants... et le tour est joué. Les mêmes pratiques et procédures de dépenses dénoncées hier comme des dérives graves, souvent à l'origine des accumulations structurelles des dettes, n'ont jamais été rectifiées. Le circuit de la dépense est vicié et n'évolue point. Et cela ouvre la voie à tous les abus et les bénéficiaires des dysfonctionnements sont, parfois, les agents du circuit eux-mêmes.

 

Quelques exemples

 

L'orthodoxie de la présentation du budget comorien est source de toutes les dérives.

Pas plus tard qu'en février 2012, le ministère des Finances avait ordonné le paiement d'une facture de près de 26 millions de francs comoriens pour des équipements immobiliers et des matériaux de finition. Les sbires des finances décaissent la somme pour des besoins “particuliers” et le fournisseur ayant livré sa marchandise a dû se rendre à l'évidence : l'argent a été dépensé par d'autres. Au lieu de demander la restitution de cet argent, le même ministère des Finances accorde au fournisseur d'autres possibilités, des “avoirs douaniers” (possibilité de dédouanement) en compensation. Une pratique qui couvre la malversation opérée et qui risque au finish d'amenuiser les recettes, au lieu de les améliorer.

 

Dérives maffieuses et “hold-up” à ciel ouvert

 

Un autre exemple d'une autre nature? Les factures du journal Al-watwan ont été honorées par la présidence de la République. Un secrétaire général-adjoint décaisse tranquillement l'argent des abonnements et les détourne pour son compte personnel. On ne l'apprendra que... deux ans plus tard. Là encore monsieur le secrétaire général indélicat n'a nullement été inquiété. Une exception ? Non, c'est la règle.

 

Il y a quelques années, un audit qui vérifiait la dette intérieure, évaluée alors à 12 milliards, a conclu que le montant réel était d'environ... 4 milliards. Et personne n'est venue faire des réclamations sur les près de 8 milliards rejetés. Et pour cause : la plupart des bons de caisse n'avaient pas de pièces justificatives, tout simplement.

 

L'audit réalisé sur la dette intérieure pour la période 1995-2008 l'avait située à un peu plus de 13 milliards de francs, y compris les arriérés de salaires, de biens et services intérieurs, les frais de loyers, les transferts et subventions, les bourses et les salaires hors fonction publique.

 

Régler la facture du vent

 

Le problème de l'inexistence juridique des créanciers démontre, à elle seule, la gravité des dérives maffieuses au sein de l'administration comorienne. Parmi les cents cinquante fournisseurs retenus comme tels et supposés être les créanciers de l'Etat, 68% n'ont aucune identité fiscale auprès des services des impôts. Autrement dit, ils n'existent pas juridiquement.

 

Parmi les problèmes soulevés en matière d'achats de biens et services, on peut relever le circuit de la dépense. Le contrôleur financier, Ali Mlindé, reconnait qu'il est “quasiment impossible“ de contrôler le service fait et donc, entre les lignes, que l'Etat “peut continuer à régler des factures pour des équipements non livrés et des travaux jamais réalisés, etc.“. Un “hold-up“ permanent toléré, car profitant à tout le monde et, surtout, à ceux qui sont chargés de le juguler.

 

Manipulations, absence de pièces justificatives

 

A l'origine de ce grave dysfonctionnement, le manque de crédibilité du Trésor public. Entendez sa non-solvabilité qui entretient des procédures altérées. Les fournisseurs attendent d'être payés avant de livrer leurs marchandises ou équipements ou d'effectuer les travaux. Cette procédure entraine une autre tare : la surfacturation, qui frise l'arnaque. La tactique du fournisseur est à cet égard simple : “Puisqu'on ne me paie pas tout de suite, autant facturer le temps au prix fort”.

 

Le plus récent audit démontre que les dépenses de fonctionnement et autres besoins en

équipements des ministères et des entités publiques de l'Etat ou encore de l'assemblée nationale représentent approximativement 68% des impayés, 2% pour les équipements.

Les biens et services de l'île de Ngazidja et de l'Union représentent 93% des impayés des deux entités, de 1995 à 2008.

 

On n'est jamais mieux servi que...

 

Au trésor public, s'amoncellent des bons de caisse, dont le fond de dossier ne comprend aucune pièce justificative sérieuse. Le plus grave, qui devrait interpeller l'Etat, est que ces bons de caisse ont été émis au profit des fonctionnaires chargés des finances ou du Trésor de l'Etat. Près de 60% de ces fonds servaient pour la plupart à des chefs de services chargés de vérifier la véracité des actes. Les acteurs des services financiers, bénéficiaires de ces bons de caisses, savent qu'ils enfreignent la règle d'or de la finance publique : la séparation des fonctions d'ordonnateur et de trésorier.

 

La pratique au ministère des Finances, c'est l'émission en fin d'exercice, entre le 25 et le

31 décembre, de montants jugés souvent prohibitifs, pour épuiser les crédits. La plupart de ces ordres ont été invalidés par les audits, les dossiers ayant été jugés non valides. Du vol organisé.

 

Exceptions d'un jour... pratique de toujours...

 

Mais, le budget est une chose, les dépenses de l'Etat en sont une autre. L'Etat, la présidence de la République surtout, engage des dépenses en utilisant, à qui mieux-mieux, une procédure d'exception : la réquisition. Parfois, un ordre oral suffit pour puiser dans les caisses des sociétés d'Etat. Hydrocarbures, Office du riz, Comores Telecom, Snpsf, etc., tout y passe et repasse. La société des hydrocarbures vient d'administrer la preuve éloquente que l'Etat n'est pas celui qu'on connait, que les dépenses ne sont pas celles qui sont autorisées par le parlement. Les six dernières cargaisons vendues (acquises ou achetées) n'ont pas été honorées auprès du fournisseur, l'argent a tout simplement été dépensé, sur ordre de la présidence. La taxe unique, de l'ordre de 200 millions par mois, n'a pas non plus été honorée durant l'exercice passé. Cet argent a été dépensé on ne sait pourquoi, où, ni comment. Au lieu de diligenter un audit comptable et connaitre les raisons de ces dérapages, l'Etat décide de la hausse des hydrocarbures pour rembourser la dette, en relevant le prix du gazole qui est passé à 550 fc, l'essence à 650 fc, et 350 fc pour le pétrole lampant. Une flambée qui doit servir à éponger un endettement de la société, estimée à 2,5 milliards de francs.

 

Et pourtant...

 

Pourtant, certains pays adoptent, depuis une dizaine d'années, la loi organique relative aux lois de finances en réformant en profondeur le budget et la gestion de l'État.

Une telle loi rend plus lisibles et plus transparents les budgets et permet de promouvoir une culture du résultat. Elle détaille les moyens à allouer aux différentes politiques publiques, en les présentant sous forme de missions et de programmes, tout en introduisant une gestion plus performante par le biais d'objectifs et d'indicateurs de performances. En effet, dans le monde, la tendance est au “dépenser mieux” et dans l'amélioration de l'efficacité de l'action publique pour le bénéfice de tous.

 

La révolution dans la présentation du budget sous forme de programmes est que les responsables savent qu'ils doivent rendre compte aux élus du parlement de leurs choix de gestion, de leurs dépenses effectives, de la gestion des ressources humaines ainsi que de la performance obtenue en fonction des moyens dont ils disposaient. Un rapport annuel de performances est annexé au projet de loi de règlement qui clôt les comptes de l'exercice. Le peuple peut valablement apprécier l'usage qui a été fait de l'argent public, contrôler l'action du gouvernement et son efficacité pour veiller à ce que les mesures correctrices soient prises pour l'exercice suivant. Malheureusement, une telle évolution, selon toute vraisemblance, n'a pas l'air d'intéresser beaucoup de monde par ici...

 

Le budget de l'Etat en chiffres

 

Les recettes publiques internes du budget général 2012 sont estimées à 31,847 milliards de

francs comoriens. Une partie est rétrocédée directement aux îles autonomes, versées sur leurs comptes propres à la Banque centrale. Elles proviennent des taxes sur la patente d'exploitation, la taxe professionnelle unique, le droit d'enregistrement etc.

Ces recettes propres sont évaluées à 1,813 milliards de francs, dont 698 millions à

Ndzuwani, 70 millions à Mwali et 1,045 milliard à Ngazidja.

 

Les recettes, constituées des impôts et taxes non rétrocédés aux îles autonomes et versées sur un compte spécial à la Banque centrale, sont évaluées à 30,034 milliards de francs.

 

Avant toute opération, des prélèvements seront effectués pour financer la dette extérieure à hauteur de 3,361 milliards de francs soit 12,3 %, les pensions à hauteur de 994 millions de francs, soit 3,7 %, les prestations de services de l'ordre de 500 millions de francs soit 1,9 %, les recettes d'ordre étant de 1,700 millions et enfin le fond d'entretien routier, 994 millions. Après déduction des charges et des dépenses mentionnées, le solde à partager est de 22,578 milliars répartis, en principe, selon les quotes parts suivants: 37,5% pour l'Union, 27,4 pour Ngazidja, 25,7 pour Anjouan et9,4% pour Mwali.

 

Le mécanisme de répartition en fonction des quotes-parts constitue le cadre chiffré d'élaboration et de formulation des budgets des entités insulaires.

 

 

Ahmed Ali Amir

Article extrait d’Alwatwan Magazine

N°14 censuré par l'Etat comorien

 

Dotation en carburant : C’est gratuit et ça rapporte un max !

Le 12/04/2012

 

Plus de 184.600 litres d’essence– pour un coût total de 120 millions de francs –sont distribués aux différents départements ministériels, par trimestre. Pour sa part, le Mdjidjengo de Ngazidja empoche 1,3 milliard par an en "biens et services" dont une dotation trimestrielle encarburant de 80.000 litres.

 

Alors que tout le monde, jusque dans certains services de l’administration publique, juge excessifs ces chiffres qui, en plus, ont très peu d’incidence positif sur le rendement des agents de la Fop, les mauvaises habitudes perdurent. Ce n’est un secret pour personne : la rentabilité des fonctionnaires comoriens reste très variable selon le service.

 

A ce propos, le diagnostic desb cadres les plus parfaitement au fait de la question de la gestion des agents de l’administration publique est formel : un important effectif d’agents pourrait être renvoyé sans que cela affecte en rien le fonctionnement du lourd appareil. Il est clair que le “gonflement“ des effectifs répond à d’autres critères que celui de la performance.

 

La Haute autorité de la fonction publique (Hafop), qui a publié les derniers chiffres des fonctionnaires, soit 13.164 agents, estime que les salaires “forfaitaires“ (c’est-à-dire ceux des ministres, des conseillers, des attachés, des délégués,…) sont certes “peu nombreux“, mais ils ont une forte incidence sur la masse salariale, en comparaison aux “salaires indiciaires“. C’est cette même catégorie de hauts responsables qui bénéficie de la grande partie des “biens et services“ tel le carburant, octroyé à titre de prérogative.

 

C’est exactement 184.615 litres d’essence– pour un coût total de 120 millions de francs – qui sont distribués aux différents départements ministériels par trimestre. Pour des soucis de bonne gestion du budget de l’Etat, il a été convenu que la Société comorienne des hydrocarbures (Sch) livre les bons d’essence par mois à la direction du budget de l’Union. Il revient ensuite au directeur du Budget de dispatcher les circulaires budgétaires dans les dix-huit départements et institutions (principalement, la présidence, la vice-présidence, les différents ministères, mais aussi la cour suprême, les préfectures et la commission anti-corruption).

 

Rabe à volonté…

 

Pour le gouvernorat de Ngazidja, 1,3 milliard par an est consacré au volet “biens et services“ dont 52 millions francs pour le seul carburant (80.000 litres d’essence) tous les trois mois, s’il vous plaît. Ici, la procédure de distribution est quasi-identique qu’au niveau de l’Union. Il faut souligner que le carburant distribué à une partie de hauts fonctionnaires est une procédure normale, prévue dans la loi de finances. Mais, l’usage qu’on en fait n’obéit pas toujours aux objectifs fixés.

 

L’essence distribuée sert-elle réellement à faire fonctionner l’administration? “Pas tant que ça“, répondent certains. Les tickets d’essence sont devenus un symbole de pouvoir. Et les ayants droits en distribuent à profusion à des amis et autres connaissances. Ils servent notamment lors des déplacements privés comme pendant les mariages ou les voyages en famille.

 

En dehors du budget, il n’est pas exclu que des cadres haut placés qui ont consommé la totalité de leur dotation et peu habitués à mettre la main dans leurs propres portefeuilles, se rendent directement à la Sch pour un rab.

 

Dans une administration connue par son taux d’absentéisme élevé, “les litres de carburant octroyés par l’Etat s’avèrent excessifs et leurs rendements encore plus faibles“, est-on convaincu, pourtant, dans la majorité des administrations. Il est temps que dans l’administration publique, les bonnes pratiques claironnées par le chef de l’Etat trouvent enfin leur traduction concrète par une gestion moins laxiste et tendancieuse. Pour le bien de tous.

 

Toyb Ahmed

Article extrait d’Alwatwan Magazine

N°14 censuré par l'Etat comorien

 

Anjouan/Conseillers: La tentation du gros lot !

Le 12/04/2012

Monsieur Anisse Chamssidine, le Gouverneur de l'île d'Anjouan
Monsieur Anisse Chamssidine, le Gouverneur de l'île d'Anjouan 

Mensuellement, les commissaires, le directeur de cabinet du gouverneur et le secrétaire général du gouvernorat sont à 525.000 francs, auxquels s'ajoutent 250.000 francs de frais spéciaux, 120.000 francs de frais de mission à l'étranger et 40.000 francs au niveau local.

 

Pour le gouverneur, c'est le gros lot. A tout seigneur, évidemment, tout honneur : en plus des 2,502 millions de salaire ajoutez, 2.000.000 francs de fonds spéciaux, 500.000 francs quotidiens pour les frais de mission à l'étranger et... seulement 150.000 francs au niveau intérieur.

 

Les conseillers veulent eux aussi leur part du gâteau.

 

Le décret N° 11-O89bis/PR du président Ikililou Dhoinine, “relatif à.la rémunération des Gouverneurs des Iles autonomes, Commissaires et ayant rang”, a, apparemment, fait des envieux chez les conseillers de l'île, de par son caractère trop généreux. Pour rappel, celui-ci fixe une rémunération mensuelle brute des commissaires, du directeur de cabinet du gouverneur et du secrétaire général du gouvernorat à 525.000 francs, auxquels s'ajoutent 250.000 francs de frais spéciaux, 120.000 francs de frais de mission à l'étranger et 40.000 francs au niveau local.

 

Et pour le gouverneur c'est naturellement, le gros lot. A tout seigneur, évidemment, tout honneur : en plus des 2,502 millions de salaire, des 2.000. 000 francs de fonds spéciaux, des 500.000 francs quotidiens pour les frais de mission à l'étranger et... seulement 150.000 francs au niveau intérieur, un “budget de fonctionnement “ de... 7 millions de francs lui est alloué tous les mois.

 

Aussi bien que le gouverneur...

 

Du coup, les conseillers ont, dans la loi statutaire de l'île promulguée par le gouverneur fin 2011, multiplié par cinq leurs indemnités de déplacement et de présence : de 15.000 francs auparavant, ils s'élèvent aujourd'hui à 75.000 francs quotidiens. “Le Conseil de l'Ile délibère sur le montant des indemnités de déplacement et de présence des Conseillers à un montant qui ne peut excéder 75.000 francs par jour”, stipule la loi. Et comme ils ne sont pas sots, nos élus ne veulent pas “excéder” le montant, mais tout juste l'atteindre. Soit un rondelet pactole de 2.250.000 à la fin de chaque session, tout proche donc de la paie mensuelle du gouverneur. Il est vrai qu'il n'est pas prévu de salaire régulier pour le mandat de conseiller de l'île. Et pourtant, à en croire ces derniers, leur mission n'est pas de tout repos.

 

Un élu qui s'adonne correctement à sa tâche, doit effectuer beaucoup de déplacements. Il doit s'informer de tout ce qui se passe dans sa circonscription et dans l'administration de l'île en général. Souvent on nous refuse l'accès à des données dans l'administration ou les sociétés publiques alors que nous y avons droit, au nom de la transparence. Mais tout cela c'est à cause du fait que notre fonction n'est que valorisée”, confiait un jour Bacar Said Halidi, de la commission aux finances de Dar Soifa.

 

A Ndzuwani, le montant global de 15.000 francs de jetons quotidiens versés jusqu'ici à un conseiller, à l'issue d'une session (soit 450.000 francs), dépasse les rémunérations d'un directeur de service public (sauf celui du budget, qui bénéficie d'une remise équivalant au tiers de son salaire), indemnités comprises. Cette même somme représenterait cependant la moitié de la valeur pécuniaire de la dotation en carburant et du quota téléphonique mensuels d'un commissaire.

 

SM

Article extrait d’Alwatwan Magazine

N°14 censuré par l'Etat comorien

 

COMORES : Budget de l'Etat ou l'arbre-à-dérive s

Le 12/04/2012

 

Répondez à cette question : “Quel est le point commun entre une partie de jazz et la session budgétaire de chaque fin d'année ? “.

 

Rien, pensez-vous ? Eh bien, vous-vous êtes gourés sur toute la ligne. Sous nos cieux, on peut trouver un point commun, le seul d'ailleurs, et c'est l'improvisation. Le budget voté n'est jamais celui qui est exécuté! Les réquisitions sont monnaie courante. A un point tel que le plafond des dépenses par rapport aux crédits alloués à chaque service ou entité se trouve, presque chaque année, troué. Certains, au ministère des Finances publiques pensent, que ce sont là des assertions.

 

Aveux

 

Pire, “des affirmations de bistrot, des fantasmes...”. Comme, d'ailleurs, nous l'avait reproché, lors d'un échange à ce sujet, un haut cadre du service du contrôle financier rattaché à la direction du budget avant de se fondre en aveux: “Je ne sais pas si c'est par méconnaissance, mais cela fait plusieurs années déjà que des projets de lois de Finances sont présentés et votés à l'assemblée sans les projets de loi de règlement qui devraient au préalable être présentés“. Décodage : “Nous allons de budget en budget sans en avoir un rapport détaillé sur l'exécution des lois de finances, sans savoir clairement sur les prévisions initiales, les autorisations nouvelles et les encaissements de recettes, les ouvertures de crédits autorisés, les ordonnancements des dépenses et les paiements effectués“. Et d'un.

 

Et de deux : “D'année en année, nous adoptons des budgets sans connaître l'état des créances et des dettes non réglées à la clôture de la gestion des budgets antérieurs“.

 

L'absence de ce projet de loi de règlement, qui devrait être présenté par le chef du gouvernement lors des sessions budgétaires, prive les représentants du peuple et le citoyen lambda de l'occasion de garder un œil sur l'exécution des opérations d'investissement et la conformité entre les comptes administratifs et les comptes de gestion. C'est à la Cour de comptes – qui n'est évidement pas encore mise en place – que devait revenir la tâche de vérifier ces comptes et d'en établir la conformité.

 

Autant en emporte les manquements

 

Car le rôle de la loi de règlement c'est d'aborder tout cela, conformément à la loi sur les opérations financières de l'Etat. Elle constitue la caution de transparence dans l'exécution des budgets de l'Etat.

 

Par ailleurs, au projet de loi de finances, qui actuellement ne tient que sur quelques feuilles avec l'exposé de motif du ministre des finances, devrait systématiquement être jointe une douzaine d'autres documents.

 

Il s'agit, par exemple, du rapport définissant l'équilibre économique et financier, les résultats connus et les perspectives d'avenir, une prévision des ressources et charges publiques à moyen terme (sur quatre ans), l'état détaillé de l'encours et des échéances du service de la dette de l'Etat par créanciers en intérêts et amortissement. Last but not least, une série de listes devrait accompagner le projet de loi. Il s'agit de la liste des dons et subventions classés par nature et par donateur, d'une autre sur les comptes spéciaux du trésor et des budgets annexes faisant apparaître le montant des recettes, des dépenses ou des découverts prévus, une liste des dépenses de lutte contre la pauvreté et une autre liste sur le programme d'investissement public, comportant les prévisions annualisées sur trois ans des projets d'investissement et de développement, ainsi que les coûts résiduels des projets, au-delà de ces ans.

 

“La faute au Plan...”

 

Comme cette dernière liste sur les investissements publics, cela fait des années, assure-t-on du côté de la Commission des finances et même du ministère, que les lois de Finances atterrissent à l'assemblée nationale sans ces précieux documents.

 

Résultats des courses, nous sommes plongés, tous les deux ans, dans une loi sans vision d'avenir sur le développement du pays.

 

“C'est au commissariat général au plan de nous fournir le Pip, (appellation du Programme d'investissement public dans le jargon ministériel) “, rétorque-t-on au ministère, comme pour se dédouaner. Au sortir du référendum du 17 mai 2009 sur la révision de la constitution, dans ses refrains favoris l'ex-président Sambi chantait : “Je vous ai souvent dit que la loi de finances qui, comme vous le savez, est adoptée chaque année par les députés, ne me satisfait pas dans son état actuel. Là aussi, des changements sont nécessaires pour prendre en compte les problèmes des Comoriens. En effet, les Comoriens ont des problèmes d'eau, d'énergie, de routes, d'écoles et de santé. De nombreux foyers et des villages entiers n'ont toujours pas d'électricité ou de routes et manquent d'hôpitaux [...]”. Et puis, rien... La loi de finances est restée à l'état d'une liste de provisions, comme celle qu'on voit souvent colée sur le dos des portières des frigos.

 

Comme bon leur semble...

 

Un strapontin où sont assis les administrations et services de l'Etat. Autrement dit, tout sauf une vision. Ce qui nous renvoie à la question des reformes. A l'heure actuelle, des réflexions seraient menées pour réussir la transition du modèle de budget dit “de moyens”, présenté par nature de dépense (celui utilisé aux Comores) à un autre dit “par objectif“, celui présenté par programme.

 

Comme expliqué dans le récent ouvrage du Comorien Mohamed Moindzé “Les budgets nationaux au service du développement et de la réduction de la pauvreté“, le “budget de moyens“ est le plus simple à établir et à exécuter. Il autorise la dépense, mais la dépense pour quoi ? Cela, il ne le dit pas.

 

Une fois la dépense autorisée, les gestionnaires publics – qui ne se sont engagés sur aucun objectif – peuvent se sentir libres de dépenser comme ils l'entendent et comme bon leur semble. Et ne comptez pas sur l'absence criante d'une institution supérieure de contrôle (Cour ou Chambre des Comptes) pour introduire un peu d'ordre et de transparence.

 

Tous les ans la loi de finances est adoptée sans la présentation du projet de loi de règlement, ce préalable qui permettrait d'avoir le cœur net sur la situation des dépenses de l'exercice budgétaire antérieur. Elle est présentée sans le fameux programme d'investissement public ou Pip, donc, sans une vision. “C'est un classique”. Ce sont des agents des Finances publiques et d'élus qui le confessent. C'est-à-dire ceux là-même qui sont censés élaborer ces documents ou qui sont censés garder un œil sur leur mise en œuvre obligatoire. Sous les cieux des îles de la Lune, une douzaine de documents – qui devraient systématiquement être joints au projet de Loi de Finance – feraient défaut à chaque session.

 

Conséquence : le “Budget“ (parce qu'il faut bien trouver un nom à cette chose) est resté à l'état d'une liste de provisions. Exactement comme celle que vous pouvez voir colée sur le dos de la portière de votre frigo. Un strapontin sur lequel sont assis les administrations et les services de l'Etat. Rien d'une vision. Budget de l'Etat, ou quand le rafistolage devient la règle.

 

Kamardine Soulé

Article extrait d’Alwatwan Magazine

N°14 censuré par l'Etat comorien

 

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